Etape de repos. Et elle tombe bien car figurez-vous qu'il pleut et vente méchamment. 

Evidement il fait jour 24 h sur 24 et les rideaux légers du hytte atténuent à peine la lumière ; le masque de nuit a servi. De plus la circulation ne s'arrête pas vraiment, tant qu'il y a de la lumière y a de l'espoir de voir le fameux soleil de minuit ; personnellement, je ne suis pas trop déçu de ne pas l'avoir vu, je n'ai d'ailleurs pas vu non plus le soleil de midi ; j’ imagine un soleil au couchant avant qu'il touche l'horizon mais le plus impressionnant est, et ce depuis quelques jours, le fait qu'il ne fasse jamais nuit, du tout. 

Toilette au local commun, au lavabo et à l'eau froide (il fallait attendre en fait pour l’eau chaude !) pour finir de me secouer ; au retour je jette un oeil au thermomètre de la moto, il fait 7° C. N'ayant pas emporter de matériel encombrant de camping, je file au restaurant d'un hôtel situé à 500 m, blouson de motard sur le dos et bonnet sur la tête, pour un solide petit-déjeuner. Un groupe de touristes français est là - rien qu'hier en montant vers le Cap Nord, j'ai croisé trois cars français, Richou, Michel et Brossard ! Dans ces cas-là je me fais tout petit, enfin non, pas plus que d'habitude, j'essaie de passer incognito mais une dame devant moi ne cessait d'ouvrir l'espèce de réchaud-bain-marie contenant des oeufs brouillés pensant, je ne sais pourquoi, y trouver des toasts ; je lui ai donc dit, en français, que le pain, les différentes tranches d'ailleurs, étaient à l'autre bout du comptoir et qu'il y avait un grille-pain à sa disposition ; elle m'a dit merci sans grand étonnement, comme à quelqu'un de son groupe. 

Ensuite la lessive. Il y a comme dans toute laverie machines et séchoirs mais pas de lessive en poudre ou liquide, il faut amener la sienne ! C'est bien le genre de préoccupation que j'avais en chargeant la moto ! J'ai juste un savon de Marseille, j'ai donc savonné tout mon linge dans un grand bac et mis le tout ensuite dans la machine. Impeccable. Séchage obligatoire étant donné la météo, 20 min de plus à attendre pendant lesquelles un cycliste néerlandais est venu récupérer ses affaires sur l'étendoir. Il m’a dit être arrivé à NordKapp hier en étant passé par la Suède et qu'il n'avait pas eu trop de pluie, lui. D’ailleurs, hier, beaucoup de cyclistes sur la fin du parcours ; ce doit être un point d'honneur à accomplir cette performance, car c'en est une. En France, certain(e)s défient le Tourmalet ou le Ventoux, ici le Cap ne culmine qu' à 317 m mais les bosses par lesquelles on y accède sont raides et balayées par un vent quasi permanent et froid. Moi, je leur dis chapeau.

Et puis de retour dans ma cabane, j'ai enfin rouvert l'ordinateur. J'ai commencé par décrire les photos du Cap Nord déposées hier. 


Hier donc, j'étais encore à Alta. Petit-déjeuner pas avant 8 h mais je savais que je n'avais pas beaucoup de route, 260 km, je n'avais pas à me presser. Et puis il pleuvait ! De la grosse pluie, oblique, qui me rendait impossible le chargement de la moto, si je voulais rester un peu sec. Entre deux accalmies, je chargeais et après bien des hésitations, emmitouflé comme à l'habitude maintenant, je suis parti, vers 10h. Jasmine, mon GPS pour ceux qui l'auraient oublié, me fait éviter la ville et me dirige vers la sortie en direction de Nordkapp. Mais au bout de 8 km je lui demande de m'indiquer la station d'essence la plus proche parce que les évitements d'agglomération sont une chose mais je n'ai rien vu qui puisse satisfaire la Deauville, ma moto pour les mêmes ou d'autres qui auraient oublié. Je retourne donc à Alta pour faire le plein pendant que Jasmine me crie de faire demi-tour aussi vite que possible. Elle reste cependant très respectueuse et applique le vouvoiement mais parfois, je préfère l’ignorer. Bref je pars finalement vers 10h45. Malgré la pluie, j’ai décidé de faire des photos pour l’ultime étape vers le Nord ; j’ai découvert une poche dans la combinaison, en fait ce qui permet de la ranger et de la boucler autour de la taille, un peu à la manière d’un K-Way. J’ai coupé sangle et boucle et j’ai obtenu une poche interne sur la poitrine où je loge mon appareil-photo. Je me suis arrêté assez souvent finalement pour prendre la nature, un village, un port, un fjord, des rennes… 


Là, tout le texte que j’avais écrit ce matin est passé aux oubliettes, et il était long, Hilda ma très chère épouse vient de me dire qu’elle ne voyait pas mon résumé du jour et je constate avec effroi qu’elle a raison, la connexion wifi a des sautes et ce que j’ai cru être publié est perdu. Tentons de recommencer mais l’humeur n’est plus la même.


Sur quelques photos on constate que la nature a changé, la végétation est devenue rase, sur de vastes superficies ; sur la route rectiligne que vous voyez, le vent d’ouest soufflait si fort que je devais pencher la moto, et moi avec, pour qu’elle maintienne sa direction, je me suis quand-même arrêté pour le cliché et celui des petites fleurs mais en gardant bien le pied sur le frein. Le vent a eu par contre comme bénéfice de chasser la pluie. La taïga a laissé place cette fois à la toundra. Au fait, pour l’entretien d’une toundra, faut-il une toundreuse ?

Puis à nouveau des fjords mais voir mes commentaires des photos. 

Je me suis rendu compte que je m’arrêtais souvent comme si je retardais l’échéance, la révélation, un peu quand on ralentit sa lecture à la fin d’un livre pour le garder encore quelques instants tout entier à soi, je prenais le temps de tout voir ; quelque chose cependant me poussait tout de même à avancer. 

Sur le panneau du tunnel du Nordkapp, outre la longueur de 6870 m il est écrit 212 m-u-h, pour meter under havnivå, ce qui signifie qu’on s’enfonce à 212 m au dessous du niveau de la mer ; et c’est impressionnant, descente régulière sur 2,5 km environ, plat de 1 km et remontée de 2,5 km. Et puis j’ai rencontré les rennes, un peu partout, dans des prés mais souvent en montagne, au bord de la route ou d’un fjord. Le petit groupe au bord du fjord justement, que vous voyez sur une photo, a levé la tête quand je me suis arrêté ; courtois, je leur demande « where do you come from » et le plus grand, celui que vous voyez brouter ensuite, me répond le sourire aux babines « Rennes ! ».

Arrivé au camping, je me suis installé et ai vérifié la météo, pas de pluie sur le Cap mais de la grisaille, j’ai donc décidé d’y aller, et bien m’en a pris parce qu’aujourd’hui, entre la pluie violente par moment et le vent soufflant en tempête… C’est sans doute ce vent qui crie depuis ce matin et cherche à entrer faisant craquer tout mon hytte, ma cabane, qui est à l’origine des pertes de connexion. 

Les 25 derniers km donc ont été grandioses, un paysage sublime d’abord, pas de doute on est bien dans une région polaire, une route large aux formes épanouies et bien taillées…pour le motard, une montagne nue et rase mais qui accueille au détour d’un surplomb un groupe de rennes, un fjord qu’on découvre au dernier moment à la sortie d’un virage. Et pas de pluie ! Et puis c’est le Cap Nord qu’on aperçoit d’abord pas la grosse boule blanche qui domine l’édifice et puis le parking empli de cars, de voitures et camping-cars et bien sûr de motos. Les vélos peuvent avancer au pied du bâtiment. Se reporter aux photos de la 13ème étape. Ce que je n’ai pas dit hier, c’est qu’à l’intérieur il y a évidement un magasin de souvenirs, des restaurants, une poste !, et au sous-sol un tunnel qui nous mène à une salle de cinéma où passe un film à 120° sur le Cap Nord en toutes saisons, superbe, une salle où on assiste à un spectacle son&lumière, une chapelle, un musée Thai en mémoire de la visite du roi du Siam au début du XXè siècle, des petites grottes où des figurines rappellent l’histoire des visites au Cap Nord. J’ai noté que les premières répertoriées datent de 1664, et c’est une coïncidence car Kro signifie taverne en norvégien !

Après deux heures de visite, je suis redescendu pour m’arrêter au port de Skarsvag, réputé pour être le plus septentrional d’Europe. Il était 20h et je commençais à avoir faim et froid. Je suis entré dans le restaurant que vous voyez et mangé un King Crab du Kamtchatka, espèce introduite en Norvège et qui prolifère depuis. Charnu et délicieux. L’accueil des gens est souvent très chaleureux, le patron, a mon accent, décidément, a vu que j’étais Français et m’a dit que son employé l’était tout autant et effectivement, un jeune homme est venu m’expliquer le menu et me servir ; c’est lui aussi qui était au fourneau. Le patron avait à s’occuper du bateau car il propose des excursions, de la pêche, etc. Le jeune en question est là pour la saison mais sinon il est guide en…Finlande mais a déjà bien bourlingué à travers le monde, Guyane, Nouvelle Calédonie, Suède. 

Dans un voyage, on voit en fait des voyageurs !


Bon je ne sais pas si j’ai retrouvé tout ce que j’avais évoqué ce matin mais je vais stopper là, il faut me restaurer.

Ah si, pour Céline et les garçons, les élèves de 3ème étant encore là demain et mardi je pense, voici pour réviser : pour simplifier la tâche, disons qu’Angers et Nordkapp sont sur le même méridien, Angers a pour latitude simplifiée, encore, 47° N alors que celle de Nordkapp est 71° N. Quelle est la distance minimale, à vol d’oiseau, entre ces deux points ? Faire fi des montagnes. De plus j’ai parcouru 4955 km, sans compter les trajets en ferry, en 13 jours ; quelle ma moyenne journalière ? Enfin en reprenant les distances de chaque étape, quelle la distance médiane ?

Il fallait cette journée de repos pour recommencer cet écrit !